Piloter sa TPE / PME avec les données : quel type de solution choisir ?

Dossier | Publié le 28 octobre 2022 | Mis à jour le 01 décembre 2022

Pour construire un tableau de bord avec les données de son entreprise pour mieux piloter l'activité, on peut utiliser différents types de solutions : des applications simples, basées sur l’utilisation d’un tableur jusqu'à des applications très complexes mobilisant des outils dédiés à des spécialistes de la donnée (data scientist). Ce dossier présente les différentes options illustrées par des cas d'usages réels.

Générer des visualisations adaptées en suivant les opérations indispensables peut s'avérer ardu pour de nombreuses personnes. Le plus souvent, construire des visualisations adaptées aux besoins opérationnels avec les données brutes disponibles nécessite de “mettre les mains dans le code” (note de l’auteur : en informatique, le cambouis ne salit pas !) ou a minima d’intervenir sur les paramètres des programmes de traitement et d’affichage des données.

Déterminer le bon outil pour construire son tableau de bord s’avère essentiel. Il n’y a pas de solution satisfaisante à 100 % ni de réponse absolue.

Ce dossier conçu par Thomas Gerbaud, Activateur France Num, à la tête de l’entreprise AltGR, spécialisée en traitement et valorisation des données, présente les différents types de solutions de visualisation de données pour piloter son entreprise avec ses données. Ce spécialiste présente les avantages et les inconvénients de chaque famille d'outils, illustrés par des cas d'usages réels.

Ce dossier est le dernier volet d'une série de 3 articles sur le pilotage de l'entreprise par la données.

Le premier dossier vise à vous aider à vous familiariser avec un certain nombre de notions utilisées ici : Comment tirer parti des données pour piloter son entreprise ?

Le second dossier permet d'appréhender l'ensemble des étapes nécessaires pour construire un tableau de bord afin de piloter son activité avec les données : Améliorer la gestion de sa TPE/PME avec ses données : comment faire ?

Les principaux critères pour choisir un outil de tableau de bord

Le choix de l’outil de visualisation dépend notamment des points suivants :

  • du budget disponible. Votre tableur est gratuit, ou déjà payé car inclus dans une suite bureautique. Le ticket d’entrée de certains outils de visualisation avancée peut largement atteindre 5 000 euros par mois ;
  • des contraintes légales et informatiques c'est-à-dire l’ensemble des mesures techniques, administratives ou légales, qui régissent les accès aux données. Est-il possible d’accéder aux données ? Est-il possible d’extraire les données brutes ? Est-il possible de transférer les données vers un outil tiers… ? Quid de la confidentialité des informations personnelles ?
  • et surtout, de l’accessibilité aux données c’est-à-dire le fait de pouvoir accéder facilement à des données à jour dans un format exploitable. Cette accessibilité est rendue possible par l'interopérabilité permise par les outils c'est-à-dire leur capacité à communiquer et à échanger des données entre eux.

La question de l’interopérabilité est fondamentale. Le plus souvent, les logiciels ont tendance à « emprisonner » les données : ils ne permettent pas de partager aisément les informations qu’ils traitent en vue d’une réutilisation avec d’autres outils .

Si un logiciel de gestion de la relation client (CRM) ou un progiciel de gestion intégré (ERP) est utilisé dans l’entreprise, il est probable que les données soient stockées d’une façon tout à fait spécifique au logiciel. L'exportation des données pour un usage externe - si elle est possible - n’est pas évidente. Il est ainsi souvent plus rapide d’exploiter les fonctions de visualisations proposées par le CRM ou l’ERP.

Autre choix : se servir des fonctionnalités d’échanges de données automatisés, basées sur l’utilisation des interfaces de programmation (API), offertes par les outils de visualisation (disponibles en général sur les outils proposés par de gros éditeurs).

Construire un tableau de bord avec son tableur (niveau débutant)

Vous êtes une TPE/PME à l’aise avec votre tableur et vous souhaitez le conserver, car les données importantes y sont déjà compilées. Vos moyens sont limités.

Il est possible de construire un tableau de bord fonctionnel avec une solution de tableur classique. L’intérêt est de privilégier l’efficacité et l’exploitation immédiate des résultats.

De nombreux tableurs en SaaS incluent aujourd’hui des fonctions de partage de documents intéressantes. Les fonctions de manipulation de données demandent une certaine habitude, mais elles ne sont pas vraiment compliquées. Il est possible d’implémenter l’ensemble des fonctions de tri et regroupement, ainsi que les calculs. Les fonctions d’affichage sont simples d’usage.

Avantages : prise en main rapide, bonne personnalisation, contrôle total sur les données, coût limité voire gratuit.

Inconvénients : apprentissage nécessaire des fonctions avancées du tableur, graphes parfois basiques, mise en forme manuelle.

[Cas d'usage] La directrice commerciale d’une coopérative réalise un tableau de bord avec Microsoft Excel

Coopérative agricole, située dans les Alpes de Haute-Provence (04). Chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros, avec plus de 100 salariés.

Situation : la directrice commerciale ne possède pas d’outil de suivi de l’activité de son équipe de 30 commerciaux. Les fonctionnalités de l’ERP utilisé pour la gestion des flux de ressources et marchandises ne sont pas adaptées. Les données sont des exports de l’ERP ainsi que différents tableaux Microsoft Excel.

Objectif : la directrice a besoin de visualiser l’activité de ses commerciaux, pour suivre les ventes (volumes de céréales, semences, produits phytosanitaires), les relations avec les agriculteurs (adhérents ou non), ainsi que les prix des différents fournisseurs.

Solution : la dirigeante  a construit des routines de transformation des données brutes, organisées en tableaux, avec des tris par commerciaux, territoire (regroupement de codes postaux) et des sommes partielles (mois, trimestre, année). Elle a fait appel à un collaborateur de son réseau, ayant des compétences informatiques, pour certaines actions de sélection un peu complexes. Les calculs sont organisés sous la forme de quelques feuilles de calcul incluant de nombreux tableaux dynamiques, nécessaires pour la recherche de bugs.

Limites : la visualisation demeure un peu sommaire, mais pratique et opérationnelle.

Originalité : la dirigeante avait des besoins précis et disposait d’une certaine expérience dans la manipulation de données.

Perspectives : utiliser les fonctions de visualisations d’un outil de gestion de la relation client (CRM) (en cours de déploiement).

Exploiter les fonctionnalités de visualisation offertes par ses outils de gestion (niveau débutant à intermédiaire)

Les outils de gestion, tels que les logiciel de gestion de la relation client (CRM) ou les progiciels de gestion intégré (ERP), agrègent  un certain nombre de données, plus ou moins importantes selon les cas, généralement bien structurées et formatées. Certains d’entre eux, installés en local ou en logiciel en tant que service (SaaS), disposent de fonctions de visualisation et d’analyse de données. Si vous possédez un tel outil, il est très intéressant de le tester.

La collecte des données se fait directement au sein de l’outil, en incluant les étapes de nettoyage et de vérification de consistance. Une fois les étapes de paramétrage franchies, on évalue la qualité des visualisations, et décider si cet outil suffit.

Les éditeurs proposent souvent des services de personnalisation des visualisations ou d’extensions (modules supplémentaires), ainsi que la connexion automatique à d’autres sources de données issues d’autres outils, via les interfaces de programmation  (API).

Avantages : les données sont prêtes à l’emploi. Les outils de transformation sont fournis. Les visualisations sont prédéfinies, et l’utilisation est normalisée. On ne change pas d’outil.

Inconvénients : les visualisations et possibilités d’analyses sont totalement contraintes par l’outil. Le paramétrage peut être complexe et l’ajout de données externe peut être difficile (ou impossible). Le budget peut s’avérer conséquent. Les services de personnalisation sont chers (plusieurs milliers d’euros),

Solution recommandée si vous avez déjà un bon CRM / ERP, et donc le budget associé. Plutôt pour grosse PME ou une ETI, a priori.

Opter pour un tableau de bord (niveau intermédiaire)

Si vous ne disposez pas d’un CRM/ERP, ou si ses fonctions de visualisations sont insuffisantes ou peu adaptées, la seconde solution consiste à utiliser un tableau de bord (dashboard), parmi les nombreuses solutions existantes.

Ces outils exigent de mettre en place l’ensemble du processus de traitement préalable (collecte des données, structuration, transformation) avant de pouvoir initier l’étape de visualisation.  La construction des visualisations est facilitée par la mise à disposition de de tableaux de bord préconfigurés ou a minima de modèles de visualisation.

Les éditeurs proposent souvent des services de personnalisation des tableaux de bord et l’accès à d’autres de données par interface de programmation (API).

La mise à jour des données est pertinente. Elle peut être réalisée de manière manuelle dans un premier temps, afin de valider l’intérêt des visualisations. Ensuite, elle gagnera à être automatisée.

Avantages : (très) bonne personnalisation, outil dédié et adapté aux visualisations et suivi d’indicateurs, fonctions statistiques avancées (parfois), fonctions de suivi / alerte sur certains indicateurs, etc.

Inconvénients : le prix des licences peut être élevé (1 300 euros par mois), les services de personnalisation sont chers (entre 5 000 et 10 000 euros par mois). La préparation et / ou l'injection des données (parfois manuelle) peut être chronophage.

Solution recommandée si vous avez du budget (exemple : 100 euros par mois + 10 000 euros de personnalisation) et le temps de paramétrer l’outil.

[Cas d'usage] Le dirigeant d’une PME dans l’e-commerce construit un tableau de bord avec Google Data Studio

Société dans le e-commerce spécialisée dans la vente d’équipements pour le grand public, située dans les Bouches-du-Rhône (13). Chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros avec plus de 30 salariés.

Situation : le dirigeant dispose d’un ERP historique interne, développé par un des fondateurs. Les fonctionnalités en visualisation sont limitées. Le fondateur n’a plus le temps de le faire évoluer. Le dirigeant doit jongler entre de nombreuses sources de données au format SQL et des exports bruts (type fichiers Microsoft Excel).

Objectif : le dirigeant a besoin de visualiser ces données pour suivre les ventes (volumes, prix, marges) sur différentes plateformes, ainsi que l’état du stock dans différents entrepôts, afin de piloter les réapprovisionnements.

Solution : le dirigeant a conçu seul des tableaux de bord avec Google Data Studio.

Limites : l’agrégation des données brutes, issues de plus de 10 plateformes de vente en ligne, a dû être réalisée par des routines spécifiques écrites en Python (durée nécessaire : 30 jours de travail).

Originalité : le dirigeant avait envie d’utiliser un nouvel outil, et les tableurs ne lui suffisaient pas.

Alternative : employer Google Sheets disposant de plus de connecteurs vers des sources externes et offrant plus de flexibilité dans les étapes de mise en forme et nettoyage des données, mais qui est fourni une interface moins « léchée ».

Utiliser des outils d’informatique décisionnelle (niveau expert)

Les outils de présentation de données orienté intelligence décisionnelle enrichissent les tableaux de bords par l’ajout de fonctionnalités d’analyse poussées. On retrouve de nombreux tableaux de bords listés dans cette catégorie. Il faut lire la documentation pour accéder aux fonctions avancées. Nous renvoyons à la référence : Gartner 2022 | Analytics and Business Intelligence Platforms Reviews pour une liste plus complète des acteurs majeurs du domaine.

Certains outils donnent accès à de nombreuses fonctions mathématiques avancées. Ils permettent de faire des visualisations relativement complexes et se rapprochent plus des langages de programmation scientifiques comme les notebooks Python ou R, et demandent un réel effort d’apprentissage et beaucoup de paramétrage.

Avantages : personnalisation totale, coût limité voire gratuit, plus importante puissance d’analyse.

Inconvénients : outils pensés pour les analystes de données confirmées et ingénieurs en intelligence artificielle.

Recommandation : ces outils très puissants sont quelque peu hors cadre. Ils donnent la possibilité de construire des tableaux de bord et des analyses statistiques plus poussés que la simple visualisation. Solution non recommandée en première approche : ces outils ont une courbe d’apprentissage assez raide.

Les conseils de l’expert

Faire ses premiers pas dans le pilotage par la donnée est à la portée de la majorité des structures.

Commencez avec des moyens et des objectifs modestes

Il importe d’être pragmatique et concentré par les résultats. Avant de faire des choses complexes, faire des choses utiles !

Commencez à partir des données accessibles directement (données des ventes, suivi de stocks, opérations de prospection, comportement et réaction aux opérations de communication…) dont l’exploitation créera le plus de valeur à votre entreprise.

Quel que soit votre budget ou vos compétences internes en traitement de données, les outils existent. Il y en a pléthore. La vraie difficulté consiste à choisir la solution la plus adaptée, et à… se lancer.

Il est préférable de ne pas changer d’outil dans un premier temps, s’il propose des fonctionnalités suffisantes. Créez vos visualisations, utilisez-les, partagez-les en interne. Mettez à jour vos graphes avec de nouvelles données. Le but est de rendre cette démarche utile le plus rapidement possible, sans engager de sommes importantes ni d’efforts démesurés.

Une fois que la valeur est démontrée, vous aurez le choix entre trois options :

  1. Automatiser la production de visualisations signifie simplement de faire disparaître, au maximum, les actions humaines : export, nettoyage, mise en forme, injection, calculs d’indicateurs clés etc. Si votre outil de visualisation dispose de ces fonctionnalités sous la forme d’opérations simples, vous gagnerez à les maîtriser. S’il n’en dispose pas, ou pas suffisamment, 2 choix : changer d’outil, et donc recommencer les étapes de configuration, ou automatiser les traitements avec un autre outil, probablement des scripts (Python, par exemple). La mise en œuvre dépend des outils.
  2. Améliorer les visualisations permet d’afficher plus d’informations, brutes ou calculées. On peut peaufiner les visuels, ajouter des données lissées, calculer des tendances etc. Exploitez au maximum les possibilités offertes par l’outil, avant d’en changer.
  3. Augmenter le périmètre du pilotage par la donnée, en ajoutant d’autres sources de données. Les étapes sont les mêmes que précédemment. Les possibilités de croisement de données soulèvent des questions d’identification (clients, commandes, produits, actions), déduplication et cohérence qui dépassent le cadre de cet article. Le recours à des outils de script est souvent nécessaire.

Méfiez-vous des boites noires ! Certains outils de gestion de tableaux de bord disponibles sur le marché, mettent en avant des fonctionnalités avancées d’analyse automatique, souvent assimilées à des fonctionnalités d’intelligence artificielle.

Ces fonctions séduisantes sur le papier ne sont pas toujours faciles à utiliser de façon pertinente. Cela est notamment lié aux spécificités de chaque situation, encore mal appréhendées par ses solutions.

Faites-vous accompagner

S'il est tout à fait possible de construire un tableau de bord simple avec des ressources et des compétences limitées, il est recommandé, si l'on veut aller plus loin, de faire appel à un professionnel de la donnée.

Les outils en ligne proposent des services de personnalisation, qui sont effectués par l’éditeur ou par des  intégrateurs. Pour certains services populaires, on peut faire appel à un consultant externe. Attention, le coût est souvent élevé (plus de 10 000 euros).

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