IA générative pour les cabinets d’expertise comptables : guide pratique
Dossier | Publié le 23 janvier 2025 | Mis à jour le 23 janvier 2025

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Un peu plus de deux ans après le lancement de ChatGPT, l'IA générative s'impose comme une révolution sociétale. 91 % des experts-comptables la voient comme une opportunité et 71 % d’entre eux ont déjà testé au moins un outil. Un sujet majeur désormais est son appropriation par les cabinets, d’autant qu’à compter de 2026, une obligation de formation prévue par l’IA Act s’imposera aux entreprises utilisant des systèmes d'IA. Comment intégrer efficacement l'IA générative au quotidien ? Quelle démarche structurée mettre en place pour dépasser la phase d’étonnement et embrasser ce changement d’ampleur ?
Préparer son cabinet d’expertise comptable à l’IA générative : les fondamentaux
Avant toute chose, il est important de noter que les experts-comptables se considèrent encore peu connaisseurs de l'IA et de ses applications sur le métier (pdf). Une situation qui contraste avec les enjeux majeurs auxquels fait face la profession. L'intégration réussie de l'IA générative commence donc par une phase de formation. Bien que les solutions d’IA génératives s’adaptent aux utilisateurs de tous niveaux, un usage professionnel, d’autant plus dans une profession réglementée, implique d’en mesurer les risques et bénéfices.
Concrètement, une approche de la formation à l'IA progressive, méthodique et ajustée aux différents niveaux de compétences est nécessaire, pour éviter toute fracture numérique au sein de la structure d’exercice professionnel. La première étape consiste donc à se former aux fondamentaux de l'IA. Les instituts régionaux de formation (IRF) proposent de nombreux cursus appropriés, comme le « prompt engineering » (l'art de formuler des instructions précises à l'IA).
Tous les métiers du cabinet étant touchés par cette transformation, cette montée en compétences doit s'étendre à l'ensemble des collaborateurs.
IA Act : ce qui change pour le cabinet utilisateur d’IA
1er août 2024 : entrée en vigueur du règlement européen
2 août 2026 : application complète incluant l'obligation de formation :
- Formation obligatoire pour le personnel utilisant l'IA ;
- Adaptation requise selon les fonctions et le contexte d'utilisation ;
- Flexibilité dans le choix des modalités de formation ;
- Obligation de conformité pour tous les déployeurs de systèmes d'IA.
En savoir plus :
IA Act : comment se conformer à la nouvelle loi européenne sur l’IA ?
Sécuriser l’usage de l’IA générative en cabinet
Compte tenu des obligations relatives au secret professionnel et au RGPD, l'utilisation de l'IA générative doit s'inscrire dans un cadre rigoureux pour protéger les intérêts du cabinet et de ses clients.
La mise en place d'une charte d'utilisation de l'IA au sein du cabinet est une brique importante pour fiabiliser son usage : elle formalise les bonnes pratiques et sensibilise les collaborateurs aux enjeux de confidentialité. Le Conseil national de l’ordre des experts-comptables (CNOEC) propose d’ailleurs un modèle de charte librement adaptable aux spécificités du cabinet (pdf).
Attention toutefois, une charte sans formation préalable ne produira que peu d’effets à l’égard de vos collaborateurs. Nous vous conseillons d’informer et former ces derniers
avant la signature de la charte IA et le déploiement d’une solution. Une fois cette base solide posée, il devient possible d'aborder sereinement l'automatisation de certaines tâches. Par où commencer ?
Quelles tâches confier à l'IA ?
Les bénéfices de l'IA générative se voient rapidement dans les cabinets qui l'adoptent. Une étude majeure du MIT et Harvard a récemment démontré un gain de 25 % en rapidité d'exécution et une amélioration de 12 % de la productivité globale.
Pour autant, malgré les formations, l’étendue des possibilités de l’IA générative peut paralyser : quand tout ou presque est possible, il peut être difficile de déterminer des priorités, estime une autre étude (pdf). Il est donc recommandé de choisir les tâches à automatiser en privilégiant celles :
- réalisées par des humains, plutôt que par des solutions existantes : l’objectif n’est pas de remplacer un outil fonctionnel par de l’IA, mais plutôt d’accélérer les tâches non automatisées ou d’en faire de nouvelles ;
- effectuées par le plus grand nombre de collaborateurs possible : en facilitant leur vie, on accélère l’adoption de l’IA au sein du cabinet ;
- répétitives, pour maximiser la productivité et rentabiliser l’investissement en temps.
Quelles applications de l'IA en cabinet ?
L'IA générative ouvre de nouvelles perspectives dans de nombreux secteurs.
En communication, bien sûr, pour faciliter la rédaction de mails, de comptes-rendus de réunions, la création de contenus pour les réseaux sociaux ou la traduction de documents, par exemple.
Pour la création de code informatique, ensuite, notamment en VBA et Python, simplifiant considérablement l'importation des données clients.
Dans le domaine de l'audit, dans lequel l'IA fait déjà ses preuves : aux États-Unis, par exemple, certaines structures ont développé un outil capable de tester des contrôles en cybersécurité, faisant économiser 90 à 100 heures de travail sur cette tâche.
En support interne également, l’IA générative permet la création d’un chatbot qui répond aux questions sur les politiques et procédures de l'entreprise.
En matière de veille et d'analyse, l'IA vulgarise des textes juridiques complexes et détecte les impacts pratiques pour une typologie de clients donnée. Son potentiel s'étend également à l'analyse prédictive des données financières et à la détection d'anomalies dans les comptes, renforçant ainsi la qualité du contrôle et de l'analyse financière.
Parmi les applications les plus prometteuses (pdf)s, on trouve notamment la comptabilité prédictive, l'analyse de la santé financière via des tableaux de bord automatisés, la détection des fraudes ou le conseil en gestion de trésorerie. Ces cas d’usage prennent tout leur sens avec la généralisation prochaine de la facturation électronique.
En générant un flux massif de données structurées, cette réforme ouvre en effet la voie à de nouvelles applications de l'IA générative. Indépendamment des scenarii envisagés, in fine la logique est la même : libérer les professionnels des tâches chronophages pour se
concentrer sur les aspects plus complexes nécessitant leur expertise. Mais pour saisir ces opportunités, encore faut-il choisir la bonne solution d’IA générative.
Cas d’usage de l’IA générative en cabinet d’expertise comptable (liste non exhaustive)
1. Analyse financière augmentée
Génération automatique de commentaires sur les états financiers
Détection des anomalies et tendances inhabituelles
Production de tableaux de bord personnalisés
Préparation de scenarii prévisionnels
2. Support aux missions d'audit
Analyse automatisée des journaux d'écritures
Détection des schémas de fraude potentielle
Revue automatique des pièces justificatives
Génération de rapports d'analyse
3. Optimisation de la relation client/cabinet
Analyse des échanges pour détection des opportunités
Rédaction assistée de propositions commerciales
Suivi automatisé de la satisfaction client
Production de communications personnalisées (newsletter, posts social media…)
Choisir sa solution d'IA générative : les critères clés
Si le coût reste un frein principal pour 35 % des cabinets, les solutions restent relativement accessibles au regard des gains de productivité générés. Toutefois, l'expérience montre qu'il n'existe pas d'outil universel répondant à l'ensemble des besoins d'un cabinet.
Les solutions d’IA générative généralistes, comme ChatGPT, Claude, Gemini ou Copilot, peuvent répondre à un premier niveau de besoin, et sont idéales pour expérimenter des cas d’usages.
D’autres outils, plus spécialisés, répondent à des besoins spécifiques (ex. : prise de note automatisée, génération de supports de présentation ou de vidéos).
Les solutions des éditeurs historiques de la profession intègrent peu à peu des briques d’IA générative. Les outils de production permettent désormais de générer des commentaires, analyser des comportements, détecter des opportunités de missions ou répondre rapidement à une question technique. Les éditeurs juridiques proposent quant à eux des chatbots qui répondent aux questions techniques des utilisateurs sur la base de leurs contenus.
Enfin, certains cabinets, réseaux et groupements décident d’implémenter un modèle d’IA générative sur leurs serveurs internes, au travers de solutions dites « Open Source ». Ce choix offre un maximum de sécurité et de personnalisation, mais implique la mobilisation de moyens humains, techniques, temporels et financiers dont ne disposent pas la majorité des structures.
Comment choisir la solution adéquate ?
Plusieurs dimensions doivent donc être prises en compte :
- la sécurité des données et la conformité RGPD sont la priorité ultime ;
- l’intégration avec les systèmes existants pour garantir une transition fluide ;
- le coût est un pondérable de taille qui influencera votre sélection ;
- et la facilité d'adoption et d’utilisation par les équipes.
Attention, l’outil ne fait pas tout ! Pour maximiser les bénéfices tout en maîtrisant les risques, une gouvernance robuste et un management adapté des collaborateurs s'imposent.
Manager la transformation IA
Tous les collaborateurs n’ont pas a même aisance avec l’informatique, ni la même volonté d’expérimentation. Or, l’IA générative a un tel potentiel transformatif qu’elle risque de créer une véritable fracture numérique au sein du cabinet.
De facto, la direction et les managers doivent travailler sur la conduite du changement pour
lever les freins à l’adoption de l’IA générative, rassurer sur la pérennité des emplois, et encourager les bonnes pratiques. Pour être efficace, cette politique peut reposer sur une formation continue adaptée aux différents niveaux de maturité et un accompagnement personnalisé des collaborateurs. La création d'espaces d'échanges permet également de partager les retours d'expérience et d'enrichir les pratiques de chacun.
La maîtrise des risques liés à l'IA nécessite également la mise en place d'une gouvernance structurée, similaire à celle de la cybersécurité. Le contrôle humain ne peut être écarté : l'IA doit être considérée comme un assistant qui prépare 80 à 90 % du travail, la validation finale restant la responsabilité des professionnels car « la confiance n’exclut pas le contrôle ».
Les 6 bonnes pratiques pour intégrer l’IA
1. Former les équipes en amont du déploiement de la solution sélectionnée ;
2. Établir une charte d'utilisation IA claire ;
3. Commencer par des tâches simples, répétitives et à faible valeur ajoutée ;
4. Vérifier systématiquement les résultats produits par l'IA ;
5. Ne jamais partager de données confidentielles sur des plateformes non sécurisées ;
6. Maintenir un contrôle humain sur les productions de l'IA
Anticiper et maîtriser les risques de l'IA
La gouvernance est primordiale, les risques inhérents à l’IA générative ne doivent pas être sous-estimés.
La confidentialité est l’enjeu majeur : aucune donnée personnelle ou sensible ne doit être chargée sur des plateformes qui les utilisent pour leur propre apprentissage, ou qui les hébergent sur des serveurs situés hors Union européenne sans garantie particulière.
Les « hallucinations » de l'IA, ces réponses apparemment cohérentes mais erronées, nécessitent également une attention toute particulière. Un cas d’école illustre parfaitement ce risque : celui d'un avocat américain qui s'est vu retirer son droit d'exercer après avoir plaidé en citant des jurisprudences fictives générées par ChatGPT.
La dépendance excessive aux outils d'IA constitue un autre risque majeur, en entraînant une perte progressive des compétences techniques fondamentales. Il est donc essentiel de maintenir une expertise humaine forte et de conserver un regard critique sur les contenus générés par l’IA.
Enfin, les enjeux de compétitivité ne doivent pas être sous-estimés. Un retard dans l'adoption de l'IA générative pourrait rapidement entraîner un décrochage par rapport
à certaines structures plus avancées, ainsi qu’une perte potentiel de parts de marché.
Risques à maîtriser en matière d’IA générative (liste non exhaustive)
- Divulgation de données confidentielles ou sensibles
- « Hallucinations » de l'IA
- Non-respect du RGPD et du secret professionnel
- Utilisation sans supervision humaine
- Dépendance excessive aux outils
- Surcoût lié à l’empilement de solutions
IA générative : une opportunité à saisir maintenant
L'IA générative représente une opportunité majeure pour la profession d’expertise comptable, avec des gains de productivité déjà mesurables.
Son intégration réussie nécessite cependant une approche méthodique : formation des équipes, choix judicieux des outils, et mise en place de garde-fous appropriés.
L'arrivée de la facturation électronique, en générant un volume sans précédent de données structurées, va constituer un accélérateur majeur de cette transformation.
Celle-ci représente aussi une opportunité historique pour les plus petites structures de se différencier des grands acteurs de la profession : la démocratisation des outils d'IA et leur facilité d'utilisation croissante permettent aux cabinets de toutes tailles de bénéficier de ces avancées technologiques.
Les professionnels qui sauront intégrer l'IA de manière réfléchie et responsable en tireront un avantage compétitif certain : l'avenir de la profession s'écrit aujourd'hui !
Article écrit par Florian Dufour et Julien Catanese Aubier, diplômés d'expertise comptable, consultants et formateurs IA auprès des professionnels de l'expertise comptable, initialement publié dans SIC Mag - Le magazine de l'Ordre des experts-comptables, n°44 de janvier 2025. Lire l'article original.
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