Petite philosophie de la transformation digitale de Luc de Brabandere

Dossier | Publié le 06 décembre 2019 | Mis à jour le 25 septembre 2023

Photo illustrative

Comment mettre en œuvre la transformation numérique en entreprise avec l'apport de la philosophie. Ouvrage chez Manitoba Editions (mars 2019)

Le livre Petite philosophie de la transformation digitale de Luc de Brabandere chez Manitoba Editions tranche par son approche : ni pratique, ni stratégique mais méthodologique à partir d’une vague de questions qui concerne tout dirigeant et employé en entreprise : Y a t-il une philosophie de la transformation numérique ? Quel regard porter sur l'entrepreneuriat à l'heure du digital ? Faut-il tout changer ?

Comment se réinventer dans un monde numérique ?

Luc de Brabandere, philosophe d'entreprise, spécialiste de la prospective et de l'innovation signe un ouvrage de fond qui s'appuie sur le "tout changer". Selon son auteur, ce qui se joue n'est pas la numérisation des métiers mais plutôt leur réinvention dans un monde devenu numérique.

Avec cet ouvrage, le penseur suggère une méthode pour piloter la transformation digitale en entreprise et se réinventer dans ce "nouveau" monde qui se doit de conjuguer humanisme et numérique.

Repenser le monde devenu numérique en 6 questions

Si la philosophie n'a pas à être utile, on peut essayer de cerner ce que signifie ce basculement du monde. Tel un néophyte, il s'interroge sur la notion de basculement du monde avec 6 questions qui augurent de pistes d’actions pour l’entreprise dans l'avant, aujourd'hui et dans l'après :

  • Où sont les choses ?
  • Quand se passent les choses ?
  • Comment classer les choses ?
  • Pourquoi les choses se passent-elles ?
  • Comment les choses s'expriment-elles ?
  • Qu'est-ce qui est vrai et qu'est-ce qui est faux ?

En invitant les dirigeants d'entreprises à s'étonner de ces interrogations, ce sont des enjeux de société qui sont posés et accolés se mêlant les uns et autres.

Transformation numérique : Pensées en actions

Où ?

Réfléchir pour agir. Luc de Brabandere dispose les hypothèses de façon harmonieuse à travers des exemples et des pistes d'action.

"Nous pensons trop souvent que le monde numérique est distinct du monde tout court, alors que c'est notre monde qui devient numérique. Cyberespace et espace ne font qu'un".

Regardons l'utilisation des smartphones, les jeux vidéo de réalité augmentée. Le bouleversement est synonyme notamment de changements mêmes de distances et de temps.

Quand ?

Mais justement quelle heure est-il sur Internet ? L'heure qu'on souhaite, l'heure dont on convient. Il y a le 24 heures sur 24 et  7 jours sur 7 que l'on voit fleurir en ligne. Et que signifie donc "en temps réel" dans le monde numérique ? Une temporalité qui n'existe pas car les individus font leur dans le temps réel propre.

Comment classer ?

La notion de « catégorie » si chère au monde matériel est une construction de l'esprit, une étiquette que l'on appose sur un dossier sans qu'elle ne soit dans le dossier. Nous vivons dans un monde de catégories établies depuis des décennies... Mais qu'en est-il de la réinvention des catégories ?

Avec le numérique, on passe de la catégorie à la taxonomie, autrement dit la discipline qui étudie ces mécanismes de classement. Ce pas de géant d’Aristote à Michel Foucault a son importance qu'on retrouve aujourd'hui dans les plateformes et sur les moteurs de recherche :

"C'est la manière dont on structure l'information qui est source de pouvoir".

Pourquoi ?

"Si je sais pourquoi, je sais" posait également Aristote avec un clin d'œil au savoir prévoir. Avec le numérique, on est baigné dans un univers de rétroactions permanentes où l'on a du mal à distinguer quels sont les effets et quelles sont les causes. Aujourd'hui, ne cherche-t-on pas à prédire l'environnement plus qu'à le comprendre ?

Quels modes d’expression ?

Alors que les expressions écrites et orales s'avèrent distinctes dans le monde matériel. Avec le numérique, la parole est très souvent retranscrite en écrits (sous-titrages...). Et en même temps, l'écrit s'oralise. Il suffit de regarder les textes sur les messageries instantanées ou par SMS. Et apporte-t-on plus de crédit à ce qui est dit ou à celui qui le dit dit ?

Vrai ou faux ?

Le monde matériel sait distinguer le vrai du faux, l'original à la copie. Dans le monde numérique, cette distinction est beaucoup moins évidente. On ne peut pas dire que le virtuel est réel tout comme on ne peut non plus dire qu'il est irréel. Les exemples pullulent en la matière sur les réseaux sociaux numériques.

L'information en ligne instille le doute et il est plus évident de partager ce qui est faux d'autant plus que le mensonge propose une information plus surprenante que la vérité... La captation de l'attention se fait plus évidente dans ce contexte. Plus nous nous connectons, plus nous nous éloignons du monde extérieur car l'informatique fait écran.

Comment agir ?

Le philosophe propose d'adopter un recul critique pour toute transformation numérique et d'être rigoureux avec les mots employés. C'est par cette approche que l'on prend conscience de notre humanité et de notre devoir éthique.

Ainsi, on ne traite pas les robots d'égal à égal et nos sentiments ne sont pas programmables tout comme les algorithmes ne sont pas objectifs souligne le philosophe. Il faut ainsi s’éloigner des fictions traditionnelles pour bâtir une société avec humanisme et numérique, ce qui nécessite d’agir avec responsabilité.

Faire du zigzag

Pour que cet humanisme numérique fasse réalité, l'auteur pense que la transformation numérique doit s'affranchir des schémas et des catégories du passé. La transformation digitale doit ainsi être pilotée et non subie en des élans de créativité et d'innovation. On tâtonne et on se remet en question dans un impératif de zigzag. Aussi, la question qui se présente n’est plus tellement ce qu’on apprend mais bien comment on l’apprend.

8 clés pour un humanisme numérique

La pensée est à définir à travers 8 lois pour concevoir les principes d'un humanisme numérique :

  1. Une idée est nécessairement une simplification ;
  2. Une idée est une hypothèse de travail ;
  3. Aucune idée n'est bonne pour toujours ;
  4. Aucune idée n'est née bonne ;
  5. La meilleure manière d'avoir une bonne idée, c'est d'en avoir beaucoup ;
  6. Beaucoup d'idées existent mais on ne les voit pas ;
  7. Le passage d’une idée à l’autre est toujours un choc ;
  8. Toute idée sort nécessairement d'un cadre.

L'auteur explicite ensuite ce que définit l'idée créative à travers des exemples d'art du zigzag : la création du Guide Michelin, la naissance du coworking, le zéro stock de PC conceptualisé par Dell...

Et la transformation numérique, alors ?

En outre, la mécanique de la transformation digitale a peu à voir avec le numérique. Cela suppose avant tout une transformation personnelle du regard porté sur le monde et l'art du zigzag doit être pratiqué pour réussir cette transformation avec ce bel exemple...

"Tant qu'à l'hôtel, on appellera "clé" le rectangle de plastique blanc qui permet d'ouvrir la porte de la chambre, on risque de passer à côté des possibilités offertes par cette technologie" pose Luc de Brabandere.

... avant d'énoncer :

"Le point de départ d'une transformation digitale réussie n'est pas la société telle qu'elle est actuellement mais une remise en question des hypothèses et des principes qui expliquent son organisation actuelle. Il nous est demandé de reculer pour mieux penser, et l'approche en zigzag (...) résume l'alternance impérative entre créativité et innovation. Elle n'est pas directement liée à la révolution technologique, mais il est utile de la découvrir, car elle est puissante et facile à expliquer."

Enfin, l'auteur souligne combien il est important d'apprendre à penser dans un monde qui devient digital avec un recul critique.

En résumé

Un livre de fond sur la transformation numérique qui cherche à poser des questionnements afin d’inciter à la créativité et à l’innovation en « sortant du cadre ».

Il est ainsi proposé une méthodologie pour renouveler ce qu’on entend par numérique et plus largement pour mieux comprendre les mécanismes en route avec la transition digitale afin de les faire siennes dans sa plan d'action.

Détails sur le livre

Petite philosophie de la transformation digitale de Luc de Brabandere (sous-titré : Ou comment (re)découvrir l'art du zigzag) est édité aux Editions Manitoba, dans la collection Entreprises et société. Il est paru le 7 mars 2019. Il compte 132 pages. Prix : 17 EUR.

Table des matières

Préface d'Antoine Gourevitch

Les deux Histoires du monde

Chapitre 1 : Comprendre le basculement du monde

Chapitre 2 : Tant qu'il y aura des ordinateurs

Chapitre 3 : L'impératif du zigzag

Enseigner l'informatique dans ordinateur

Bibliographie

A propos de l'auteur

Luc de Brabandere est un philosophe belge et exerce dans le monde de l'entreprise. Fellow du Boston Consulting Group (BCG), il a cofondé Cartoonbase, une agence de communication visuelle où les artistes et les consultants travaillent ensemble. Par ailleurs, il enseigne la philosophie dans différentes universités.

Luc de Brabandere | Licence Creative Commons BY-NC-SA 3.0 FR

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